Il est né Xolani Nkosi dans un bidonville à l’est de Johannesbourg. Il n’a jamais connu son père. Sa mère Nonthlanthla Daphne Nkosi était porteuse du virus VIH et le transmit à son bébé en gestation. Il devint porteur à son tour, un parmi les 70 000 enfants qui naissent chaque année en Afrique du Sud, où on estime que la moitié de la population âgée de moins de 15 ans mourra dans les dix prochaines années de causes liées au sida.
Mais Xolani était un combattant. Il survécut à son 2ème anniversaire ; ce qui est inhabituel chez les bébés qui naissent avec le virus. En 1991, Nkosi fut admis dans un centre de soins pour le sida surpeuplé de Johannesbourg, après que sa mère qui était trop faible pour prendre soin de son enfant fut libérée d’un l’hôpital. C’est là que Gail Johnson, une bénévole, vit le garçon zulu aux grands yeux et sa mère malade. Evidemment elle était sur le point de mourir et le garçon était provisoirement en sursis.
« C’était une compréhension très personnelle et mutuelle » dit Johnson.
« J’avais été marquée par la mort d’un proche de ma famille qui avait succombé du sida et je voulais aider plutôt que d’en parler seulement. Et il y avait Nkosi. Tout ce que j’avais à faire c’était de lui tendre la main ».
Sa mère accepta que Johnson soit la mère adoptive de Nkosi. En tant que Nkosi Johnson il avait un foyer dans une banlieue chic de Johannesbourg et jouissait d’un grand cercle d’amis au Paradis de Nkosi, le centre de soins pour le sida que Johnson fonda et nomma en l’honneur de Nkosi.
Nonthlanthla Nkosi mourut d’une maladie liée au sida en 1997. La même année Gail et Nkosi gagnèrent une bataille différente. Quand elle essaya de l’inscrire à l’école primaire certains parents s’y opposèrent en raison de son état de porteur du virus VIH. Johnson se plaignit dans un procès qu’il gagna et Nkosi fut inscrit à l ‘école.
Cette controverse rendit Nkosi populaire dans tout le pays lors d’une campagne pour dépersonnaliser le sida ; et les départements d’éducation provinciale reçurent l’ordre de concevoir de nouveaux programmes.
Le moment le plus important fut en 2000 quand Nkosi s’adressa aux délégués de la conférence internationale sur le sida à Durban (voir son discours ci-dessous).
Une silhouette frêle dans un complet noir brillant tenant nerveusement un micro sans fil, Nkosi ,11 ans à tout casser, tint en haleine une audience de 10 000 personnes dans une atmosphère de silence et parfois de larmes en racontant l’histoire de sa naissance et de sa vie. Je vous en prie, aidez les malades du sida dit-il soutenez-les, aimez-les, prenez soin d’eux.
Plus tard cette même année il apporta le même message à une conférence en Georgie : C’est triste de voir autant de personnes malades dit-il J’aurais aimé que tout le monde se porte bien ».
Bien qu’étant l’enfant qui ait probablement survécu le plus longtemps au sida en Afrique du Sud, Nkosi visiblement ne se sentait pas bien quand il revint de son voyage aux USA en octobre. Il eut un Noël tranquille et puis s’écroula. On diagnostiqua des lésions au cerveau et il entra dans un état semi comateux. Et pourtant il continuait de s’accrocher.
Regardez-le déclara Johnson dans un journal local un trois fois rien qui se bat encore.
L’histoire de Nkosi Johnson a galvanisé ceux qui font une campagne de lutte et de sensibilisation contre le sida. Avec presque 1 malade du sida sur 10 vivants en Afrique du Sud, le pays est menacé par un désastre au niveau de la santé publique qui affectera surtout les communautés noires. Nkosi a une fois dit qu’il regrettait de ne pas être blanc car il n’a jamais vu un blanc tomber malade.
Dr Zola Skweyiya, ministre du développement social sonna l’alerte l’année dernière comme quoi l’épidémie du sida risquait en définitive de rendre les noirs minoritaires dans leur pays.
Un éditorial du Sunday Times disait : « Nous autres Sud-africains - et tous ceux du continent et du monde entier - devons apprendre à accepter et à traiter avec humanisme ceux qui vivent avec le sida. Il ne peut y avoir de monument plus grand pour Nkosi, cet enfant qui nous a confrontés à notre frêle humanité et nos peurs les plus profondes ».
Malgré toutes les misères qu’il a eu à endurer, Nkosi était au nombre des enfants chanceux, dit Johnson Il a été accepté et aimé. Parmi ceux qui se sont rendus à la maison de Johnson la semaine dernière, il y avait des camarades d’école à qui les parents avaient défendu de s’approcher du garçon. Les enfants au Paradis de Nkosi ont également la nostalgie de leur petit camarade qui organisait leur jeu de Police et voleurs et qui voulait toujours être le chef des policiers.
Les contributions au centre Paradis de Nkosi ont permis d’ouvrir un second centre dans les bidonvilles de Johannesbourg. Johnson espère qu’il y en aura beaucoup d’autres. Le nom de Nkosi qui, en Zulu, signifie Seigneur ou bien Roi des rois va continuer de vivre.
Le discours qui suit est celui que Nkosi Johnson a prononcé à l’ouverture de la 13eme conférence Internationale sur le sida à Durban.
Salut ! Je m’appelle Nkosi. J’habite à Melville, Johannesbourg en Afrique du Sud. J’ai 11 ans et je suis un parfait sidéen. Je suis né avec le sida. Quand j’avais deux ans, je vivais dans un centre de soins pour les personnes atteintes par le VIH/sida. Ma mère évidemment était aussi malade et elle ne pouvait se permettre de me garder, car elle avait peur qu’on ne découvre que nous avions tous deux le sida et qu’on nous chasse.
Je sais qu’elle m’aimait beaucoup et qu’elle venait me rendre visite quand elle pouvait le faire. Et puis le centre était contraint de fermer ses portes faute de moyens. Alors ma mère adoptive, Gail Johnson, qui était directrice du centre de soins et qui m’avait emmené chez elle pour le week-end, déclara lors d’une réunion du bureau qu’elle allait me prendre avec elle à la maison. Et je vis avec elle depuis 8 ans maintenant.
Elle m’apprit tout ce qu’il faut savoir de la maladie et me recommanda d’être prudent avec mon sang. Si je tombe et me blesse et saigne, je dois tout faire pour recouvrir la plaie et ensuite il faudra que j’aille voir un adulte pour qu’il m’aide à la nettoyer et mettre un bandage dessus. Je sais que mon sang est dangereux pour les autres seulement s’ils ont une blessure ouverte et que mon sang entre dans cette blessure. C’est seulement dans ce cas-là que les gens doivent faire attention en me touchant.
En 1997, Maman Gail se rendit à l’école primaire Melpark, elle devait remplir un formulaire d’inscription pour moi. Le formulaire disait : « Est-ce que votre enfant souffre d’une quelconque maladie ? » Alors elle répondit « Oui, le sida. ». Maman Gail et moi n’avons jamais caché que j’avais le sida. Alors elle attendait que l’école lui dise si j’étais accepté. Elle téléphona aux autorités de l’école qui répondirent qu’elles allaient la rappeler. Puis ils tinrent une réunion pour débattre de mon cas. 50 % des parents et des enseignants qui participaient à cette réunion dirent « Oui » et 50 % dirent « Non ». Ensuite le jour du mariage de mon frère, les médias découvrirent qu’il y avait un problème avec mon admission à l’école. Apparemment on ne savait que faire de moi, étant donné que j’étais infecté. Les tenants des Kiosque de sida se rendirent à l’école pour apprendre aux parents et professeurs à ne pas avoir peur d’un enfant qui avait le sida. Aujourd’hui, je suis fier de dire qu’il existe une politique en faveur des enfants infectés pour qu’ils puissent aller à l’école sans subir de discrimination.
La même année, juste avant que je ne commence l’école, ma mère Daphné mourut. Elle se rendit en vacances à Newcastle et mourut dans son sommeil. Il y eut un coup de fil pour maman Gail et je décrochai. Ma tante dit « Puis-je parler à Gail s’il te plaît ? ». Presque immédiatement après maman Gail me dit que ma mère était morte. Je fondis en larmes. Maman Gail m’emmena aux funérailles de ma mère. Je la vis dans le cercueil et je vis que ses yeux étaient fermés. Puis je les vis mettre le cercueil en terre et puis ils le recouvrirent.
Grand-mère était très triste d’avoir perdu sa fille. Ensuite je vis mon père pour la première fois. Je n’ai jamais su que j’avais un père. Il était très bouleversé et je me suis demandé pourquoi nous a-t-il abandonnés maman et moi ? Ensuite les autres demandèrent à maman Gail qui allait prendre soin de ma sœur. Maman Gail leur dit de le demander à mon père.
Depuis ces funérailles, maman me manque beaucoup et je regrette qu’elle ne soit pas avec moi. Mais je sais qu’elle est au Paradis et qu’elle est sur mon épaule et veille sur moi. Elle est dans mon cœur.
Je hais le sida car des fois je me sens très malade et je suis très triste quand je pense à tous ces enfants et bébés qui souffrent du sida. J’aimerais tellement que le gouvernement commence à donner de l’AZT aux mamans enceintes atteintes du sida pour éviter que la maladie soit transmise au bébé. Les bébés meurent très vite. Je connais un petit bébé abandonné qui était avec nous et dont le nom était Micky. Il ne pouvait pas respirer et il ne pouvait pas manger, il était tellement malade que maman Gail dut appeler les services de santé pour l’interner d’urgence à l’hôpital où il mourut. Je pense que le gouvernement doit commencer à le faire parce que je n’aime pas que les bébés meurent.
Comme j’ai été séparé de ma mère à un très jeune âge, et comme nous étions tous les deux porteurs du virus, maman Gail et moi avons toujours voulu mettre sur pied un centre de soins pour les mères et les enfants porteurs du VIH/SIDA, je suis très content et très fier d’annoncer que le premier Paradis de Nkosi a ouvert ses portes l’année dernière et que nous prenons en charge 10 mamans et 15 enfants. Maman Gail et moi voulons ouvrir d’autres Paradis de Nkosi parce que je veux que les mamans porteuses du virus du sida puissent vivre avec leurs enfants. Elles ne doivent pas être séparées de leurs enfants afin qu’elles puissent vivre avec eux ici, et rester ensemble et vivre plus avec l’amour dont ils ont besoin.
Quand je serai grand je veux animer des conférences pour parler aux gens du sida. Et si maman Gail me le permet, je veux faire le tour du pays pour passer le message partout. Je veux que les gens comprennent le sida, qu’ils soient prudents et qu’ils respectent le sida. On ne peut attraper le sida par le toucher, un baiser ou en tenant la main d’un individu infecté.
Prenez soin de nous et acceptez-nous… nous sommes des êtres humains. Nous sommes normaux. Nous avons des mains et des pieds. Nous marchons et parlons et nous avons des besoins comme tout le monde. N’ayez pas peur de nous. Nous sommes tous les mêmes.
Page created on 7/10/2015 6:02:15 PM
Last edited 7/10/2015 6:02:15 PM